Il suffit parfois de lâcher quelques grands noms dans la nature pour piquer la curiosité. Avec ses séquences de
gameplay qu'on aurait dit tout droit sorties des films de Michael Mann,
Kane & Lynch avait tout pour s'imposer comme une des nouvelles références du jeu d'action sur PC et consoles, surtout avec, aux commandes, les créateurs d'une saga
qui a depuis longtemps fait ses preuves. Kane le condamné à mort sauvé en dernière minute et flanqué du psychopathe Lynch pour sauver sa femme et sa fille retenues en otage par ses anciens collègues, le
pitch du dernier projet de
Io Interactive n'aurait en tout cas pas juré dans un bon vieux
buddy movie des années 80, qui fut sans doute le genre par excellence pour les clichés et les poncifs de tout poil. Hélas pour nous, le jeu n'échappe pas non plus à cette malédiction...
Les cadavres ne portent pas de costardEmbarqué dans le fourgon blindé qui l'emmène vers la mort, Kane se voit sauvé in extremis par d'anciens partenaires de crime qui l'accusent d'avoir pris la poudre d'escampette avec leur butin. Après avoir kidnappé sa femme et sa fille, ils chargent donc Kane de retrouver ledit magot, non sans lui coller dans les pattes un certain Lynch, désormais chargé de garder un oeil sur lui. Un charmant garçon à ses heures, sujet à de véritables crises de délires au cours desquelles il se met à tirer sur tout le monde sans raison, pour s'en étonner cyniquement quelques minutes plus tard, une fois redevenu lucide.
Kane & Lynch baigne en permanence dans une ambiance résolument adulte, enchaînant les dialogues corsés, les gros mots et les situations scabreuses. La volonté de donner au jeu une patte de polar
hard boiled est louable, en dépit d'une version française qui en fait des tonnes dans le genre gros dur qui jure comme un charretier, et malgré une violence somme toute très classique, en tout cas pour qui a pratiqué un peu le jeu vidéo. Les références cinématographiques abondent, et du Michael Mann de
Heat ou de
Collateral on passe à du simili-
Rambo avec des attaques de bases paumées dans la jungle, le tout étant, il faut bien le dire, assez bien mis en scène.
Kane & Lynch ne donne pas le temps de s'ennuyer, c'est incontestable.
Dès l'évasion du fourgon qui ouvre l'aventure le ton est donné :
Kane & Lynch est un jeu d'action à la troisième personne tout ce qu'il y a de plus classique. On tire et on se met à couvert, en ayant préalablement fait un tour par les menus pour augmenter la vitesse de déplacement de la visée, très insuffisante par défaut. Les armes se renouvelent gentiment au cours des missions en n'oubliant aucun des grands classiques, du simple pistolet au lance-roquettes en passant par diverses mitrailleuses et le fusil de snipe, et le
gameplay convainc sans trop de peine grâce au savoir-faire des créateurs de
Freedom Fighters. Les phases de tir sont agréables, la balistique suffisante pour un jeu de ce type, et les ennemis arrivent par douzaine pour mieux essuyer les tirs de nos deux compères, parfois même de leurs autres coéquipiers puisqu'on pourra en rallier plusieurs à sa cause. Un système d'ordres simpliste mais relativement efficace permet de leur demander de couvrir une zone, d'attaquer un ennemi, voire de se débarrasser d'un sniper dans le cas de Lynch. Il n'est en tout cas pas question de changer de personnage, excepté en mode coopératif où un second joueur pourra diriger Lynch. En cas de mort, Kane peut se voir ramené à la vie par une piqûre d'adrénaline, et revenir au combat après une mini-cinématique qui casse un peu le rythme. Le nombre d'injections est toutefois limité, sous peine de finir par mourir d'une overdose et de devoir recommencer au précédent
checkpoint. Notre anti-héros pourra lui aussi ramener à la vie ses coéquipiers, la mort de l'un d'entre eux signifiant comme souvent l'échec de la mission.
Mais arrête de tirer sur oim !Heureusement, et bien que l'intelligence artificielle des ennemis à proprement parler soit très médiocre, avec des adversaires qui viennent se faire allumer comme des lapins ou qui ne réagissent pas sous le feu, vos aides de camp savent plutôt bien se gérer, se mettant à couvert pour se débarrasser des cibles les plus encombrantes. On n'évite bien sûr par les petites errances habituelles, mais l'ensemble reste correct. Lynch est évidemment le comparse le plus intéressant, ses répliques abruptes et ses réactions violentes faisant le sel de la relation qui lie les deux personnages. Il est cependant regrettable qu'il n'ait dans l'aventure solo qu'un rôle de second plan voire simplement de mule, au lieu de permettre de charmantes variations de
gameplay. Reste bien entendu le coop, même si le joueur qui incarne Lynch sera souvent frustré de devoir s'enfiler quelques séquences où il ne sert là encore pas à grand chose. Le jeu enchaîne cependant avec plus ou moins de bonheur les phases de combat furieuses et parfois même spectaculaires. Bringuebalés à Tokyo, dans la jungle, dans une prison de haute sécurité ou encore à la Havane, pour l'une des missions les plus corsées du jeu, nos mercenaires vont sans conteste voir du pays. Leur périple a l'avantage de proposer des situations variées, que cela soit la descente en rappel sur la façade d'une immense tour au Japon, ou une tentative de kidnapping dans une boîte de nuit surchargée, l'occasion pour
Io Interactive de nous faire à nouveau profiter de son fabuleux moteur de foule déjà expérimenté dans leurs précédents titres. Tirer au milieu d'un parterre de civils hurlants et gesticulants a quelque chose d'assez jouissif, même si le tout est très téléguidé, et que les danseurs ont pratiquement tous la même tête. L'idée était louable mais le niveau est sans doute l'un des pires du jeu, répétitif et maladroit, d'autant plus qu'il faut se le taper deux fois d'affilée.
Dans l'ensemble, le jeu est ultra linéaire, avec les inévitables phases de tir sur rail à l'arrière de véhicules, sans intérêt, et les murs invisibles tant aimés, ceux là-même qui vous empêchent de vous écarter du chemin pré-établi. En dépit des possibilités offertes par le contexte,
Kane & Lynch est donc un jeu d'action pur et dur, peut-être même un peu bêta. Pas de plans élaborés pour préparer un casse, on fonce dans le tas, on descend de gros hélicos au lance-roquettes, on file en rappel sur une paroi pour se lancer à l'assaut d'un bureau au 40ème étage, on fait exploser des coins de murs et autres éléments de décor destructibles... Il est même possible de renvoyer une grenade à son lanceur, histoire de ne pas se laisser asphyxier par les lacrymos comme un étudiant en manif anti CPE. Dans ces moments-là,
Kane & Lynch est un jeu d'action potable, même si pas forcément très inspiré, le gros du
gameplay consistant à nettoyer des pièces ou des zones définies des trouzaines d'ennemis qui s'y trouvent, et qui apparaissent au moment propice. Pour mieux se protéger, il est conseillé de se mettre automatiquement à couvert contre un mur ou derrière un obstacle, et ainsi d'optimiser sa visée sans trop se manger de pruneaux. Le système est hélas très approximatif, surtout quand il faut changer d'angle, et on préfèrera s'en remettre à la traditionnelle vue à l'épaule, beaucoup plus précise et donc plus efficace.
C'est le oui, KaneMalgré sa quinzaine de chapitres au compteur,
Kane & Lynch est de ces jeux qui se finissent tranquillement en deux petites sessions, sans se fouler. Pas vraiment difficile, à l'exception du niveau à la Havane où l'on suera sang et eau pour ne pas laisser mourir ses coéquipiers sous les balles de soldats en grand nombre, le jeu s'achève en une demi-douzaine d'heures au maximum, ce qui est tout de même bien peu. Bien sûr, le coop viendra réhausser le compteur, à la condition toutefois d'avoir un ami à proximité puisque ce mode n'est hélas pas jouable en ligne. Déjà bien court tout seul, le jeu se croquera alors en une poignée d'heures au maximum. La vraie portion
online de
Kane & Lynch se réserve toutefois au fameux mode Fragile Alliance, dans lequel une bande de casseurs de banque affrontent des gardes (ou policiers) armés jusqu'aux dents, en essayant de ramasser le plus de butin possible avant la fin du tour, argent qu'il sera possible de dépenser entre les rounds pour acheter des armes plus puissantes. Jusque-là, rien de très original, sauf qu'on peut tuer ses alliés criminels et s'emparer de leur trésor de guerre, devenant par conséquent un traître. Les autres malfrats peuvent alors décider de vous tuer pour se venger, après quoi vous ressusciterez du côté de la loi avec pour objectif de faire la peau aux cambrioleurs susnommés. Cerise sur le gâteau, tuer un ancien traître vous rapportera un peu d'argent en plus.
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Si sur le papier le concept de Fragile Alliance a tout pour plaire, en pratique, il en est autrement. Avec une équipe soudée et qui décide de jouer le jeu, le mode a ses points forts et peut s'avérer très amusant, toute sa subtilité consistant à choisir le moment propice pour trahir ses anciens coéquipiers et se faire la malle avec le magot. Rien d'extraordinaire toutefois et il n'est pas dit que
Kane & Lynch soit encore très joué dans les mois qui viennent. Dès que l'on joue en ligne sur console, cependant, la réalité est souvent toute autre, avec parfois des joueurs qui tuent leurs coéquipiers sans discernement, quel que soit leur camp, et des parties qui virent au foutoir complet. Qui plus est, le
gameplay est tout de même assez mou, avec des chargements entre chaque round qui viennent plomber le rythme, et l'affichage du nom des joueurs au-dessus de leurs personnages qui empêche tout suspense. Le
lag est toutefois absent des parties en ligne, encore heureux diront certains, même si le bilan technique de
Kane & Lynch est loin d'être aussi irréprochable à d'autres niveaux. Avec son look de jeu Xbox 1 boosté, la dernière création de
Io Interactive n'est de loin pas la claque attendue ou espérée, et seule la modélisation des personnages principaux, plutôt réussie, ou certains décors immenses avec une profondeur de champ impressionnante viennent rappeler que nous sommes sur
Next Gen. Les décors sont ternes, malgré un effort du point de vue des éclairages, les animations sont assez médiocres, et les textures sont fades et délavées, notamment sur PS3 où l'on remarque de plus un
aliasing disgracieux. Cerise sur le gâteau - enfin, façon de parler - le
frame rate est très inconstant sur consoles, avec des ralentissements forcément désagréables. Peut mieux faire, et sur tous les plans.
Vendu avec la promesses de grands moments cinématographiques,
Kane & Lynch et son duo de sociopathes n'est finalement qu'un jeu d'action très classique, servi par une réalisation loin d'être à la hauteur, et carrément flingué par une durée de vie qui frôle les 6/7 heures - en étant généreux. Le coop et le multi viendront gentiment augmenter cette moyenne pour les plus motivés, même si le concept de traîtrise peut être délicat à pratiquer en ligne, faute de vrais garde-fous.
Kane & Lynch reste un titre parfois inspiré, avec une mise en scène sympathique et un
gameplay tout de même convenable, mais ceux qui rêvaient de prendre part à un véritable casse virtuel ou espéraient de la part des créateurs de
Hitman autre chose qu'un bête
shoot à la troisième personne en seront pour leurs frais. Pas honteux, juste très décevant, et affreusement quelconque.