Imaginons que le Pape soit fusillé à bout portant en pleine cérémonie
Urbi et Orbi, et vous mesurerez l'odieux blasphème qui ensanglante l'ouverture de
Devil May Cry 4. Arrivé en retard sur les lieux, Nero assiste impuissant à l'exécution de Sanctus, chef religieux de l'Ordre de l'Epée, qui a juré d'éradiquer les démons de la surface de la Terre. Et l'assassin n'est autre que le plus redoutable d'entre eux, le terrifiant Dante. A peine le temps de souffler que Nero doit croiser le fer avec celui qui semble être son clone. Le mystérieux
Devil Bringer à son bras droit semble lui offrir un avantage décisif. Mais la fuite du fils de Sparda jette le trouble sur ses véritables intentions... Comme
Devil May Cry 2 en son temps, ce quatrième épisode verra l'alternance entre deux points de vue : celui de Nero, jeune héros fougueux et persuadé de mener un combat juste, et celui de Dante, plus posé, mais toujours aussi poseur. Mais contrairement au mouton noir de la série, il s'agira d'une aventure véritablement confondue, et non pas en parallèle ; à tout "saigneur" tout honneur, Dante jouera les maîtres de cérémonie pendant un bon tiers du jeu, histoire de faire valser tous ces monstres d'opérette.
Nero rocksLa réputation de
Capcom sur
Next Gen est à présent bien établie, et on attendait que
Devil May Cry 4 fasse au moins aussi bien sinon mieux que les précédents, i.e.
Dead Rising et
Lost Planet. Ce sera aussi bien. Contrairement à d'autres jeux du même genre,
DMC privilégie la fluidité aux détails, pari forcément payant quand un jeu requiert autant de précision. Dix à douze heures plus tard, le temps de voir défiler le générique, le constat est positif :
DMC 4 ne rame pour ainsi dire jamais, fluide en toutes circonstances. Et pourtant le style est là, la classe aussi, grâce à des modèles de toute beauté, héros comme ennemis, toujours introduits avec des
cut-scenes qui en mettent plein la vue. Les
boss gigantesques mériteraient à eux seuls un chapitre entier, de leur entrée en scène toujours
too much à leurs mises à mort non moins exubérantes. Le Berial de la démo donnait le ton, et pourtant il ne s'agissait que d'un hors-d'oeuvre.
Devil May Cry 4 pète la classe, tout est carré, fignolé... ou presque. Les ombres projetées dans le niveau de la jungle sont archi bâclées (il y a même du
clipping), les errances de caméra n'ont toujours pas été réglées sept ans après le premier, et le rock caverneux, sans contrepèterie aucune, saoûle toujours autant. En revanche, les différences entre les deux versions sont quasiment indécelables, et se limitent à la compatibilité
Sixaxis pour ajuster la caméra sur PS3. Complètement inutile. Signalons tout de même que les joueurs PS3 devront passer par une installation préalable du jeu sur disque dur, vingt minutes un peu pénibles pour 4,8 Go de jeu et des temps de chargement optimisés.
Il ne faut pas chercher loin l'influence numéro 1 de ce nouveau
Devil May Cry. Elle tient en trois mots :
God of War. Contrairement à Dante, qui répugne à se salir les mains sur son ennemi, Nero n'hésite jamais à faire valoir la puissance et l'allonge élastique de son bras démoniaque, le
Devil Bringer. C'est donc l'arrivée dans
Devil May Cry des chopes et des projections, et par extension des petites mises en scène faciles mais efficaces, de celles qui mettent une pêche d'enfer, dans tous les sens du terme. Le jeu y gagne en dynamisme et en férocité, autorise une multitude de rattrapages et d'enchaînements sans forcer, la moindre proie abattue donnant le signal d'un
grab à suivre. Entre les mains de Nero, les ennemis n'ont jamais autant ressemblé à des poupées de chiffon. Grisant. L'arrivée du
Devil Bringer pouvait donc sembler superficielle, mais on comprend qu'elle sous-tend de nombreuses améliorations dans le
gameplay. On ne parle pas uniquement des quelques énigmes à base de gyro-faux, ces toupies aiguisées qui rebondissent comme une balle de squash bien frappée. Dans
Devil May Cry 4, tous les ennemis ont été pensés pour une mise à mort à base de
Devil Bringer. Les Frost, spécialistes de la téléportation relou, deviendront de gentils hochets pourvu qu'on les saisisse à temps. Même constat pour les Mephisto, qui laisseront apparaître un corps décharné sous leur manteau de brume, comme une poule d'ex-URSS qu'on aurait déplumée entre Menton et Monaco. Les
boss répondent également à ce genre de logique, avec des moments de répit justement pensés pour une petite injection de Botox à la sauce Nero. Un pur délice.
C'est toujours un succèsCe souci de rendre le jeu plus abordable se retrouve également dans les possibilités offertes côté personnalisation. Plus flexible, le système de
Devil May Cry 4 fait la distinction entre les traditionnelles orbes rouges, nécessaires à l'achat de nouveaux objets, et les "Âmes Fières", qui servent à négocier des capacités en plus. Négocier, puisque l'intégralité des points gagnés au combat peut être récupérée et allouée à d'autres
skills une fois dans le menu. Un petit changement qui évite bien des dilemmes, et qui permet de façonner un Dante ou un Nero en fonction de ses préférences, de ses aptitudes au
combo, mais aussi du niveau ou des ennemis. Un passage pénible avec orgie de monstres volants ? Autant engloutir un maximum de points dans l'allonge du
Devil Bringer et les flingues. Un bonus caché qui semble inaccessible, un mur infranchissable ? Retour à la statue, quelques points bien dépensés dans le double-saut, et le tour est joué. Et les âmes sont même conservées après un échec, de quoi dérider les joueurs malhabiles.
Capcom a même pensé à des configurations prédéfinies pour éviter de faire perdre du temps à ceux qui n'auraient pas envie de calculer "l'emprunt" des capacités au point près ; les tarifs sont exponentiels. Et pour les assistés de la vie, on trouve même un mode "Automatique" qui gère les enchaînements tout seul, sans même avoir besoin d'appuyer sur une direction pour lancer les ennemis en l'air. Du travail de chef.
Les
hardcore qui ne vivent que pour le
combo parfait et le SSS qui flambe pourront être déçus de ce retour à un
DMC plus accessible. Qu'ils se rassurent. Comme les épisodes précédents,
Devil May Cry 4 offre une profondeur qui limite le bourrinage, aussi bien chez Dante que Nero, avec ses techniques "Exceed". S'il doit en principe charger la puissance de son épée (gâchette), le petit nouveau de la bande peut gratter une jauge direct à condition de maîtriser le bon timing dans ses attaques. Le résultat est flamboyant, mais exigeant. C'est d'ailleurs en voyant les meilleurs joueurs enchaîner attaques de base et variantes boostées que l'on prend conscience du chemin à parcourir. Mais sans vouloir faire offense à Nero, c'est Dante qui se taille la part du lion, plus polyvalent que jamais avec le retour des styles de
Devil May Cry 3. Et pour cause, il est à présent possible de changer de spécialité à la volée, en plein enchaînement, d'une pression sur... la croix. Master de poulpe obligatoire, donc. Mais c'est aussi à cela que l'on reconnaît les pros, capables de zapper en un éclair entre
Swordmaster et
Gunslinger, pour ne nommer que les classiques. Autant être clair, Nero a bien du mal à rivaliser avec la puissance de feu et la variété offertes avec Dante. Précisons enfin que si les niveaux de base sont largement accessibles, surtout le mode "Humain", les degrés de difficulté supérieurs sont suffisamment nombreux pour épicer le challenge. Fils de Sparda, puis Dante Must Die et Heaven or Hell, sans compter un ultime défi et l'inévitable
Bloody Palace, le chemin sera long avant de trouver le repos. Surtout pour ceux qui rêvent de
succès même la nuit, y compris sur PS3, où les objectifs accomplis sont consignés. Des classements en ligne complètent la donne, essentiel dans un jeu où le "score" et le style tiennent une part considérable.
DMC4, SH4, même combatExcitant, puissant,
Devil May Cry 4 ridiculise une main dans le dos toute la production du même genre sur la machine, exception faite de
Sigma, un
remake. Les passages d'anthologie s'enchaînent, le rythme ne faiblit pas, et les
boss rivalisent de gigantisme et de trouvailles ; l'un d'entre eux constitue une mission à lui tout seul, dans un délire grandiloquent dont seuls
God of War, ou
Shadow of the Colossus, pouvaient se targuer jusqu'à présent. Et que dire du duel au sommet qui sert au passage de témoin ! Le jeu de
Capcom aurait clairement pu s'imposer sur toute la ligne, s'il ne traînait deux ou trois défauts comme des boulets. Pour faire court, ce nouveau
DMC est frappé par la malédiction
Silent Hill 4, ce mystérieux poil dans la main qui pousse à recycler les mêmes niveaux sans autre alternative.
Capcom semblait pourtant avoir du temps et des moyens à sa disposition. L'annonce du jeu remonte à 2005. Mais, quitte à ce que la balise
spoiler soit de sortie, refaire l'intégralité des niveaux en sens inverse avec Dante est une aberration de première classe, surtout quand le
level design n'est guère inspiré à la base. Pire, les
boss reviennent au même endroit, et adoptent des comportements quasi identiques. Mêmes pièges, mêmes salles. Oh, quelques variantes bien sûr (la forêt devient hantée, un gros bloc de glace obstrue l'entrée du château), et un petit peu d'inédit en guise de clin d'oeil, mais le bilan est le même : une vraie déception à l'arrivée. D'autant plus consternant que, tradition
DMC oblige, les
boss reviendront une ultime fois pour un troisième et dernier tour de piste. De qui se moque-t-on ?